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carlo ossola

  • L'urbanité

    VIII. « En raison d’une grève du métro, je suis en retard à un rendez-vous avec le Prix Nobel de physique Pierre-Gilles de Gennes ; je frappe à la porte de son bureau, entre et m’excuse, essoufflé. « Vous n’avez pas à vous excuser ; c’est plutôt moi qui dois vous remercier de n’avoir pas interrompu le fil d’une démonstration. Asseyez-vous donc » (urbanitas : modération et retenue…). »

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    “Cyrano de Bergerac” d’Edmond Rostand par Denis Podalydès pour la Comédie-Française, 2017 (source).

    Le chapitre de l’urbanité s’ouvre sur cette anecdote avant de présenter la « vertu de l’adoucissement ». La scène illustre parfaitement l’étymologie de cette vertu – « qualité de ce qui est de la ville ; urbanité, bon ton, politesse de mœurs ; langage spirituel, esprit » (TLF) –  qu’on voudrait pratiquée par davantage de citadins.

    Carlo Ossola y fait allusion en terminant le chapitre VIII par le rappel d’une réplique bien connue et pleine d’esprit. « Et pourtant, sans urbanité, comment pourrions-nous supporter l’arrogante insolence qui nous assaille de toutes parts ? Le journaliste Nicolas Domenach raconte que Jacques Chirac, insulté à Bormes-les-Mimosas par un contestateur qui l’avait traité de « connard », avait souri en lui répliquant, à l’instar de Cyrano* d’Edmond Rostand : « Enchanté, moi c’est Chirac ! »… »

    Carlo Ossola, Les vertus communes

    *La référence en note de bas de page m’a permis de facilement retrouver la source, dans l’Acte I, scène 4 de Cyrano de Bergerac :

    Le vicomte.

    Maraud, faquin, butor de pied plat ridicule !

    Cyrano, ôtant son chapeau et saluant comme si le vicomte venait de se présenter.

    Ah ?… Et moi, Cyrano-Savinien-Hercule
    De Bergerac.

    (Rires.)

  • La prévenance

    Ossola Les vertus communes.jpgVII. « La prévenance*, enfin, est aussi rapide dans sa sollicitude que douce dans sa retenue, elle incarne parfaitement le bel adage d’Erasme, « Sedens columba » : « Suidas le recense comme proverbe et indique que l’on avait coutume de dire cela des personnes extrêmement douces et simples. En effet, lorsque les colombes s’envolent, elles dépassent tous les autres oiseaux par la vitesse de leur vol ; mais, une fois posées, il n’y a rien de plus doux et de plus simple. » Nihil mitius aut simplicius. »

    Carlo Ossola, Les vertus communes

    * [TLF : Disposition de celui qui va au-devant des besoins, des désirs d’autrui.]

  • La gratitude

    VI. « Bref, la gratitude est bel et bien une sorte de conversion : elle consiste à admettre que, ce que l’on a obtenu, on ne le doit pas tant à ses propres mérites qu’à la bienveillance d’autrui ; nous avons du mal à le reconnaître, par orgueil. »

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    © Angelina Drumaux, Bouquet de roses

    Gratitude ou reconnaissance ? Le TLF définit la gratitude comme un « lien de reconnaissance envers quelqu’un dont on est l’obligé à l’occasion d’un bienfait reçu ou d’un service rendu » et comme un « sentiment de reconnaissance et d’affection envers quelqu’un ». Et la reconnaissance ? Le « fait de reconnaître un bienfait reçu, un service rendu, une obligation morale » ou le « sentiment qui incline à se souvenir d’un bienfait reçu et à le récompenser. »

    Voici ce qu’écrit Carlo Ossola dans Les vertus communes : « La reconnaissance implique qu’on « reconnaisse sa dette » ; si l’on éprouve de la gratitude, on admet que « l’on doit quelque chose », pour se donner une impression d’« équité ». Les deux vont de pair : la gratitude sans reconnaissance est une fausse monnaie, mais la reconnaissance sans gratitude est une émotion abstraite, vide de sens, jusqu’à ce qu’on rencontre la personne que l’on doit remercier de la manière la plus franche qui se manifeste à notre esprit. »

    Serait-ce que la gratitude se ressent et s’exprime dans le remerciement, alors que nous éprouvons de la reconnaissance sans forcément le dire ? Il me semble que c’est la nuance apportée par le Larousse des synonymes selon lequel la gratitude « implique des actions par lesquelles on s’acquitte d’obligations contractées » alors que la reconnaissance « ne se dit proprement que du souvenir des bienfaits, accompagné de la conscience qu’on doit quelque chose en retour ». Qu’en pensez-vous ?

  • La loyauté

    carlo ossola,les vertus communes,essai,littérature italienne,vie en société,vertus,culture,loyautéV. « Vous êtes satisfait de l’appartement ? – Oui, c’est l’idéal, ai-je répondu. […] Alors que dois-je faire pour conserver la priorité ? vous signer un engagement écrit ? vous verser une caution ? lui ai-je suggéré. – Ma main ne vous suffit pas ? » Et de serrer fort la mienne…

    Il y a de cela quarante ans et c’est comme si des siècles étaient passés ; la « parole donnée », un engagement de fidélité à soi-même et de loyauté envers l’autre plus fort qu’un compromis devant un notaire, avec caution et clause de sauvegarde, obligations, sanctions et garants. »

    Carlo Ossola, Les vertus communes

  • La franchise

    « Je déclare donc d’emblée ma préférence, dont l’Accademia della Crusca est du reste complice : « Franc (schietto) : pur, sans mélange ; lat. : purus, merus, sincerus » ; avec la glose suivante, essentielle : les « vertus communes » sont toutes quotidiennes, pour les jours ouvrables ; aucune abstraction, aucun modèle, juste l’œuvre du temps. »

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    Source de la photo : Tenuta San Guido

    « La franchise, on le sait, est parfois impatiente et sans ménagements ; ayant dû choisir, je l’ai préférée à la patience, non que celle-ci ne soit pas nécessaire, mais parce que la première a une « prestance » coriace qui résiste aux hommes et aux adversités comme les cyprès de Giosuè Carducci« Les cyprès, hauts et francs, / qui de San Guido à Bolgheri vont / en double file » (Devant San Guido). »

    Carlo Ossola, Les vertus communes